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Suspendu lors la plénière de la Haute Autorité de la Communication tenue le jeudi 22 août 2019 pour l’avoir « outragée » dans son article intitulé « Respect de la suspension de nos services : contre le carriérisme, la finesse », Gabonreview est entré en résistance; une posture « qui n’a que du sens » car dans ce cas particulier la HAC était plaignante, l’autorité l’ayant auditionné, mais aussi celle qui l’a sanctionné.
Connu pour sa liberté de ton, Gabonreview commente depuis bientôt une décennie l’actualité sociopolitique, économique et autre du pays de façon professionnelle. D’ailleurs, n’eut été sa largesse dans la procédure de régularisation administrative, ce média indépendant n’aurait certainement pas essuyé une interdiction de parution comme ce fut le cas le mercredi 24 juillet 2019. Le 22 août, en moins d’un mois, la HAC récidive. Cette fois-ci elle reproche au média la publication d’un article dans lequel elle s’est sentie « diffamée ». L’autorité administrative s’autosaisira et jugera par elle-même cette affaire en interdisant à Gabonreview de paraître pendant trois mois. Une pratique qui heurte la tradition, les us et coutumes, défie le bon sens et l’usage établis en matière de procédure disciplinaire, et viole la liberté d’opinion. Ce d’autant plus que l’article querellé est un éditorial.
Nemo judex in causa sua (Nul ne peut être à la fois juge et partie)
Dans l’affaire qui oppose Gabonreview aux conseillers membres de la HAC fondée sur l’utilisation du mot « carriérisme » dans un éditorial signé de la tonitruante Roxane Bouenguidi, l’autorité administrative indépendante a cru légitime de s’autosaisir, convoquant le directeur de publication et rédacteur en chef du média en ligne, l’auditionnant en plus, avant de décider de lui interdire de paraître pendant trois mois; estimant enfin que l’éditorial de Gabonreview avait porté atteinte à l’intégrité de l’institution. Une posture qui ne se justifie pas au regard des principes d’impartialité et de garantie des droits.
En effet, la formule juridique latine Nemo judex in causa sua, entendez « Nul ne peut être à la fois juge et partie » à laquelle vient se greffer « Aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars », expose le principe selon lequel personne ne doit être juge de sa propre cause, parce qu’on ne peut être juge et partie. De manière moins ostentatoire, ce principe qui explique que nul ne peut avoir un pouvoir de décision dans une affaire dans laquelle l’on a des intérêts personnels aurait suffi pour que la Haute Autorité de la Communication n’aille pas jusqu’au bout de cette procédure, voire de toutes les procédures antérieures à l’occasion desquelles soit la HAC, soit son président, se sont autosaisis.
Le Conseil constitutionnel français dans sa décision du 7 décembre 2012, société Pyrénée, a posé le principe d’évidence : nul ne peut être juge et partie, sauf à méconnaître le principe d’impartialité et de garantie même des droits. Pour la haute juridiction française, il suffit que celui qui juge soit doté du pouvoir de s’autosaisir pour qu’il apparaisse comme une partie à la procédure, ce qui violerait de facto la Constitution. « Au-delà du cas des tribunaux de commerce, il faut déterminer ce qu’est « juger », englobant plus que les juridictions. En outre, le Conseil semble imposer le respect radical du non-cumul pour toute la matière pénale, n’admettant justification que par l’intérêt général et la séparation fonctionnelle que pour la matière civile », commente Marie-Anne Frison-Roche, professeure des Universités à Science Po Paris.
Cette position du Conseil constitutionnel français, fondée sur la violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est point respectée n’a point de constitution », est consacrée au rang de texte à valeur constitutionnelle par la Cour constitutionnelle du Gabon dans sa décision n°1/CC du 28 février 1992 relative à la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la Communication; et dans laquelle elle a affirmé que « la conformité d’un texte de loi à la Constitution doit s’apprécier non seulement par rapport aux dispositions de celle-ci, mais aussi par rapport au contenu des textes et normes de valeur constitutionnelle énumérées dans le préambule de la Constitution auxquels le peuple gabonais a solennellement affirmé son attachement et qui constituent, avec la Constitution, ce qu’il est convenu d’appeler bloc de constitutionnalité ».
Ainsi, la HAC a visiblement violé la Constitution en se constituant juge et partie. La procédure intentée par Gabonreview, qui a commencé par la saisine à titre gracieux de cette autorité administrative indépendante, pourrait, si l’affaire est portée devant la Cour constitutionnelle, exposer à l’inconstitutionnalité plusieurs dispositions de l’ordonnance n°010/PR/2018 du 23 février 2018 portant création, organisation et fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication.
Une sanction qui entrave au plus haut point la liberté d’opinion !
La sanction de Gabonreview est fondée sur un éditorial. Dans le jargon journalistique, il se conçoit comme un article qui reflète le point de vue de l’organe de presse ou de la rédaction sur une thématique donnée ayant trait à l’actualité. Il peut aussi servir à mettre en valeur un dossier publié dans le journal. Pour le cas du quotidien en ligne sanctionné, il était question de prendre position, d’exprimer son opinion sur la sanction dont elle avait fait l’objet le mercredi 24 juillet 2019.
Ainsi, l’éditorial étant l’expression par excellence de la liberté de la presse par un éditeur, interdire ou sanctionner un média sur la base de son opinion porte atteinte au plus haut point à une série de dispositions à valeur constitutionnelle.
D’abord, l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) qui précise que « la Libre communication des pensées et des opinions est un des Droits les plus précieux de l’Homme. Tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 décembre 1948 adopté par les Nations unis quant à lui précise que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le Droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelques moyens d’expression que ce soit ».
Le titre préliminaire de la Constitution gabonaise, qui consacre les principes et droits fondamentaux du citoyen dans son deuxièmement, martèle lui aussi que « la Liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication, la libre pratique de la religion, sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public ».
Mieux, la Loi n° 2/90 du 26 Juillet 1990 portant ratification de la Charte Nationale des Libertés élève au rang de liberté fondamentale la « liberté de presse ». Pour rappel, ladite charte a été signée au lendemain de la conférence nationale, cette grand-messe qui a permis aux acteurs politiques, de la société civile et au clergé de poser les bases d’une démocratie pluraliste afin de rompre avec les pratiques égoïstes induites par la pensée unique du monopartisme.
Le Code de la communication issu de la loi n°019/2016 du 9 août 2016, en énonçant lui aussi à travers ses principes et règles consacrés aux articles 3 et suivant dont 11 alinéa 2, dispose que « toute intervention tendant à restreindre ou à suspendre directement ou indirectement la liberté de la presse écrite, de la communication audiovisuelle, numérique et cinématographique constitue une entrave à l’exercice de la Communication ». Le législateur a tenu à réaffirmer son attachement et celui du peuple gabonais à la liberté d’opinion car conscient de ce qu’elle a été acquise au prix d’une répression sans pareille, amoindrie avec le retour au multipartisme et la renaissance d’un véritable état de droit.
En usant pernicieusement et à répétition de l’autosaisine systématique, quand bien même elle est partie, la Haute autorité de la Communication transgresse les dispositions de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, faisant partie du bloc de constitutionnalité. Elle viole donc le principe d’impartialité. En sanctionnant en outre, sur la base des dispositions anticonstitutionnelles, cette autorité administrative qui porte atteinte à la liberté d’opinion s’expose au baromètre de l’épreuve du respect des libertés fondamentales. C’est en conséquence de cela que la Cour Constitutionnelle, plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle, juge de la constitutionnalité des lois et garante des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques, ne saurait se dessaisir de cette pratique qui enfreint la loi fondamentale. Seule l’inconstitutionnalité de l’ordonnance portant création de cette loi, et mieux, l’éviction du président auteur de ces violations pourraient équilibrer et garantir à nouveau les libertés fondamentales et l’Etat de droit.
D’un point de vue légal, les fiançailles constituent une promesse entre un homme et une femme résultant d’une volonté réciproque de se prendre plus tard comme époux. Cet accord purement moral ne fait peser aucune obligation juridique sur les futurs époux. Toutefois, bien que dépourvues de fermeté juridique, les fiançailles font l’objet par le législateur d’un encadrement spécifique concernant leur rupture. Cet article a pour objet de revenir sur la nature et les effets juridiques des fiançailles ainsi que sur les conséquences que pourraient entrainer leur rupture.
La nature juridique d’une relation régie par les fiançailles s’observe en amont de l’article 198 du code civil qui la définit comme “ l’acceptation réciproque de la promesse de mariage…”. La présente disposition traduit clairement la forme juridique de cette union, de laquelle ne peut résulter qu’un devoir de conscience et non une quelconque obligation d’en venir au mariage. La lettre et l’esprit de la disposition précitée font des fiançailles un accord dont les protagonistes ne sont débiteurs d’aucune obligation juridique. En d’autres termes, bien que matérialisée et ritualisée par la traditionnelle cérémonie de famille, cette union ne constitue qu’un fait juridique. Cette vision des fiançailles est consacrée par le législateur dans l’article 202 du code civil lequel énonce qu’ « aucune action ne peut être accordée pour contraindre au mariage la fiancée ou le fiancé qui s’y refuse”.
Le législateur octroie ainsi à chacun des fiancés une sorte de droit à l’erreur permettant à celui ou celle doutant du bien-fondé de son engagement de faire valoir son droit de rétractation par l’extinction de celui-ci. Le fiancé qui, mis en demeure de se marier, se refuse à une telle entreprise n’est en aucun cas présumé fautif. Chaque fiancé jouit en réalité d’une liberté de principe lui permettant de rompre les fiançailles avant la célébration éventuelle du mariage : c’est l’expression du principe de liberté matrimonial, selon lequel on est libre de se marier ou non, et on est libre de choisir son avec qui on va contracter mariage. C’est pourquoi les peines conventionnelles prévues pour être appliquées en cas de refus de célébration de mariage, ou en cas de rupture de fiançailles, ne peuvent être exécutées.
Les fiançailles n’étant pas un contrat, leur exécution ne fait peser sur aucun des fiancés une présomption fautive. Cela dit, il est des comportements pour lesquels la responsabilité de l’auteur de la rupture peut être mise en cause.
Sur l’encadrement de la rupture des fiançailles
Le principe des fiançailles est celui de la liberté et de l’absence de responsabilité en cas de rupture. Néanmoins, il convient de nuancer le principe en précisant que le droit de rompre ne doit pas être exercé abusivement.
Le législateur peut à cet effet, engager la responsabilité du fiancé ou de la fiancée qui, de façon abusive, rompt la promesse de mariage. Dans le même sens, il condamne l’attitude du fiancé qui se rendrait coupable de manœuvres mettant en péril la poursuite de ladite relation. C’est en ce sens qu’il compte engager la responsabilité du fiancé qui “ par son fait, donne à l’autre fiancé de justes motifs de la rompre” lequel peut être condamné “ à réparer le préjudice matériel et moral causé à celui-ci ainsi qu’à ses père et mère”. Toutefois la rédaction de l’article 199 ne précise pas le comportement ou le contexte potentiellement abusif de la rupture des fiançailles. La qualification de l’abus sera à l’appréciation souveraine des juges du fond tout comme il reviendra au fiancé lésé de démontrer la nature abusive de celle-ci. Ne peut par exemple faire présumer une attitude fautive qu’une situation où, quelques jours ou semaines avant la célébration du mariage, alors que toutes les dépenses ont été effectuées, les frais engagés puis les invitations envoyées, l’un des fiancés sans raisons apparentes, et de façon unilatérale, rompt la promesse de mariage.
L’évaluation du préjudice et la constatation des motifs ayant permis à l’un des fiancés de mettre un terme à la promesse de mariage sont en principe appréciées souverainement par le juge. Ces motifs peuvent prendre la forme de violences répétées, d’un penchant pour une vie dissolue, d’un comportement irresponsable…etc. Cela dit, si l’article 199 consacre cette rupture pour faute, la preuve du caractère abusif de celle-ci doit être apportée par la personne qui demande répation. C’est au fond l’idée défendue par l’article 200 du code civil qui nous enseigne que “ La preuve de la promesse de mariage et du caractère abusif de la rupture incombe à celui qui réclame des dommages-intérêts. Elle peut se faire par tout moyen “. Le législateur exclut des potentielles preuves toutes les sommes d’argent versées aux beaux-parents. Pour lui, cet argent non admis comme preuve de la promesse de mariage ne peut en définitive être restitué.
En somme, l’appréciation et la pertinence de la rupture fautive relèvent de l’appréciation des juges du fond, dont la teneur de la décision peut être fonction de sa sensibilité. Le tribunal pourra, dans l’évaluation de ce préjudice, tenir compte notamment des services rendus de part et d’autre.
Il convient toutefois de préciser qu’en dépit de la loi, des pratiques dites coutumières consacrent la conception selon laquelle la rupture serait effective de plein droit au terme des 2 ans suivant la célébration de fiançailles. Cette coutume épargne ainsi le fiancé auteur de la rupture d’une éventuelle poursuite en réparation des dommages et intérêts tout comme elle l’exempte de la traditionnelle réunion des deux familles, nécessitant des explications sur l’origine de la rupture.
Sur l’éventuelle restitution des présents d’usage
L’article 199 du code civil nous instruit en outre sur la destination des présents et autres objets de valeur au terme de la rupture. Sur cette question, la loi explique que les fiancés peuvent, en cas de rupture, réclamer les présents qu’ils se sont faits ou qu’ils ont donné à leurs beaux-parents respectifs. Elle précise aussi que “ si ces présents n’existent plus en nature, ce sera leur valeur en argent qui sera donnée à la place”. Par ailleurs, ajoute le législateur, la restitution des présents ne saurait être envisageable si la rupture est causée par la mort de l’un des fiancés. La mort étant un sort naturel duquel ne saurait émerger une présomption fautive.
Dans certaines situations se pose la question de la destination de la bague de fiançailles. Dit autrement, la fiancée doit-elle garder la bague de fiançailles à l’extinction de la promesse de mariage ?
D’ordinaire, dans la tradition gabonaise, la remise d’une bague de fiançailles à la promise n’était pas une pratique systématique. Les fiançailles, du point de vue de la société actuelle, font désormais de la bague un élément central de la promesse entre les fiancés. La rédaction lacunaire de l’article 199, lequel ne fait aucune allusion à la destination de la bague au terme des fiançailles, aurait pu faire l’objet d’une précision de la part du législateur. Ce dernier pouvant s’inspirer de la législation française en vigueur.
En principe, comme le préconise la loi française, la restitution des cadeaux à forte valeur pécuniaire comme la bague est soumise à une condition résolutoire tacite. Seules deux conditions donnent automatiquement lieu à restitution lorsque celles-ci sont cumulatives: il faut que la bague ait une valeur particulière comme un souvenir de famille, et que sa valeur excède les facultés respectives des parties. Bien que pertinente, cette pensée se heurte à la notion de l’imputabilité de la rupture telle que préconisée par le texte de l’article 199 du présent code. Les fiançailles étant une promesse morale, la rupture abusive de celle-ci viole l’engagement passé entre les fiancés. Il se déduit ainsi qu’en contrepartie de cette promesse non tenue, la fiancée trahie, qui n’a rien à se reprocher, peut légalement garder la bague.
A contrario, si cette solution a de quoi ravir les charmantes dames, lesquelles voient en cette action le moyen de noyer la frustration née d’une déconvenue sentimentale, la volonté d’une telle démarche est à notre sens dénuée de toute pertinence.
Quel intérêt gagne-t-on à garder une bague qui symbolise l’échec d’une relation ? Mieux, quel avantage peut-on tirer d’un tel geste dans l’éventualité d’une autre relation, où le futur soupirant de toute évidence, fera cadeau d’une nouvelle bague de fiançailles ?
Sur la prescription de l’action en réparation du préjudice
L’action en justice contre le fiancé ou la fiancée fautif (ve) est soumise à une durée au delà de laquelle elle est frappée de prescription. Le texte de l’article 201 du code civil précise les conditions de celle-ci : “ Les actions fondées sur les articles 198 et 199 se prescrivent par une année à compter du jour où les fiançailles ont été rompues”. Le fiancé ou la fiancée désireux (se) d’intenter une action en justice en réparation du préjudice moral né de la rupture abusive de fiançailles dispose d’une année pour engager la responsabilité de son ex-fiancé. La prescription prend effet au jour de la rupture effective des fiançailles. Toute autre action intentée, passé ce délai, sera jugée non recevable car prescrite.
Au terme d’un contrat de travail, quel que soit le type (Contrat à durée déterminée ou Contrat à durée indéterminée) et quelles que soient les causes (licenciement, démission), l’employeur est obligatoirement tenu de remettre au salarié partant un certificat de travail.
Ce document doit mentionner les nom et prénom du salarié, les dates d’arrivée et de sortie, la durée de son emploi, le ou les poste(s) occupé(s) et l’identité de l’employeur. Le certificat de travail est quérable, il devra être déchargé par le salarié lors de sa remise.
Cette démarche est exigée par l’article 79 du Code du Travail qui dispose: “A l’expiration du contrat de travail, l’employeur est tenu de délivrer au travailleur, sous peine de dommages-intérêts, un certificat de travail (…)”
Le certificat de travail est la preuve de l’exercice d’un emploi, il est, entre autres, le témoignage de l’évolution d’une carrière. C’est un document indispensable pour la recherche d’un emploi car toujours sollicité par les potentiels futurs employeurs. C’est pourquoi sa délivrance est fondamentale.
De ce fait, pour assurer la remise dudit document, le législateur a prévu des sanctions au cas où l’employeur s’essayait à la rétention abusive du certificat de travail de son ancien salarié.
En effet, tout employeur qui refuse de délivrer un certificat de travail s’expose aux paiements de dommages-intérêts, d’amendes et de peine d’emprisonnement, et ce, conformément à l’article 80 du contrat de travail qui dispose: “Seront passibles d’une amende de 300 000 francs à 600 000 francs et d’un emprisonnement de un mois à six mois ou de l’une de ces deux peines seulement, les auteurs d’infractions aux dispositions des articles 76 et 79”.
Seulement, nous constatons que l’un des points principaux des différends de travail soumis devant les Institutions en charge du contentieux social (Inspection du Travail, Tribunal du Travail) porte sur la non délivrance de document de fin de contrat de travail par l’employeur à leur ancien salarié.
Effectivement, des employeurs peu scrupuleux ne se ménagent pas dans l’application de l’article 79 sus mentionné, optant par leur statut d’employeur pour le trafic d’influence et l’abus de pouvoir.
Et pourtant, nul n’est au dessus de la loi, même pas un employeur lobbyiste.
Magali Nguema
Juriste
Le coup d’Etat avorté du 7 Janvier 2019 suivi de l’arrestation des auteurs dudit complot ont tenu en haleine l’entière nation gabonaise, laquelle, oscillant entre condamnation et héroïsme à l’endroit des auteurs, s’interroge désormais sur la nature des griefs auxquels devront répondre le lieutenant Ondo Kelly et ses hommes. Une curiosité née du chef d’accusation peu commun d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Que dit la loi ?
Complot, trahison, espionnage, compromission du secret défense, intelligence économique avec une puissance étrangère, telles sont, entre autres, les infractions admises par le législateur comme étant des actes portant atteinte à la sûreté de l’Etat. Ces actes, autrement considérés comme portant atteinte aux “intérêts fondamentaux de la nation”, sont admis par l’autorité publique comme des crimes et délits qui dans leur manifestation, compromettent la défense nationale et mettent en péril la paix intérieure. C’est à ce titre que le Livre II du code pénal intitulé DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LA CHOSE PUBLIQUE distingue les crimes et délits contre la sûreté “extérieure” d’une part, et les crimes et délits contre la sûreté “intérieure” d’autre part.
Des crimes contre la sûreté extérieure de l’Etat
Les principales formes de crimes contre la sûreté extérieure de l’Etat concernent les actes de nature à porter atteinte à la défense nationale en coopérant de façon secrète avec une puissance étrangère. Ces deux crimes sont la trahison et l’espionnage. A cet effet, la trahison est punie par les articles 61 et suivants. Quant à l’espionnage, elle est réprimée par l’article 62 du code pénal.
La trahison, qui est punie de mort, enseignement tiré de l’alinéa 10 de l’article 61, implique chez son auteur la qualité de Gabonais ou, au moins, de militaire au service du Gabon et l’intention en temps de paix, de servir les intérêts d’une puissance étrangère au détriment de ceux du Gabon. Ainsi donc , le présent article nous enseigne que “constitue s’il a été commis par un Gabonais, le fait de… porter les armes contre le Gabon… d’entretenir une intelligence avec une puissance étrangère en vue de l’engager à entreprendre des hostilités contre le Gabon…”
Comme toute atteinte grossière qui met en péril la sûreté et la continuité de l’Etat, le législateur, inspiré, a tenu à consacrer d’autres éléments constitutifs dudit crime. D’abord, par l’alinéa 3 du même article en précisant en outre le fait de “ livrer à une puissance étrangère des territoires, villes, magasins, navires, arsenaux, matériels, munitions appartenant au Gabon ou à sa défense…”. Ensuite, par son paragraphe 5 dont il consacre à terme l’incrimination par le fait de “ livrer à des agents sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit des renseignements portant secret défense en vue de nuire à la défense nationale…”. Désireux d’étendre le régime juridique du crime puni au Livre II du Code pénal, le législateur à la faveur des alinéas 8 et 9 de l’article 61 va consacrer l’atteinte en temps de guerre par le fait de “ provoquer des militaires ou des marins à passer au service… d’une puissance étrangère en guerre contre le Gabon” , ou l’initiative prise “ d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère en vue de favoriser les entreprises de cette dernière contre le Gabon”.
Ce crime est puni par l’article 62 et le législateur le définit en ces termes “ Les faits visés à l’article précédent à l’exception de celui prévu au premier paragraphe, constituent s’ils sont commis par un étranger, un crime d’espionnage”. L’espionnage, également puni de mort, ne se distingue de la trahison que par la nationalité étrangère de son auteur. Les actes constitutifs d’espionnage sont les mêmes qu’en matière de trahison, à l’exception près que : le port d’armes contre le Gabon ne peut, par sa nature même, n’être reproché qu’à un citoyen Gabonais, un militaire ou un marin au service du Gabon. Excepté ce délit, tous les autres crimes réprimés aux termes de l’article 61 et suivants du code pénal tombent sous la qualification d’espionnage si l’auteur est un sujet gabonais.
Des crimes et délits contre la sûreté intérieure de l’Etat
Selon sa rédaction, l’attentat et le complot sont les deux principaux crimes qui, au terme de leur matérialisation ou commencement d’exécution, entrent dans le champ d’incrimination des atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat. Dans les faits, le complot et l’attentat ont pour objet soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les citoyens, ou habitants, à s’armer contre les autres, soit de porter atteinte à l’intégrité du territoire national. A cela vient se greffer, l’emploi illégal de la force publique, l’enrôlement et l’équipement de troupes sans ordre ou autorisation et l’exercice illégal d’un commandement militaire.
A cet effet, le texte d’incrimination de l’infraction susvisée est présent dans le Code Pénal en son article 68. Lequel dispose en substance que “ l’attentat dont le but a été soit de détruire le régime ou changer le régime constitutionnel, ou le gouvernement, soit d’exciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat, sera puni de la réclusion criminelle à perpétuité”. Au législateur de préciser au paragraphe 1 de l’article ci-dessus mentionné, que le complot ayant pour but l’un des crimes visés au précédent alinéa est lui aussi puni de la même peine.
Au terme de l’article 70, le législateur fait une distinction entre ces deux crimes. Pour ce dernier, “ Il y a attentat dès qu’un acte d’exécution a été fait ou commencé”. Le crime de complot pour sa part, se consomme dès que “…la résolution d’agir est concertée ou arrêtée entre deux ou plusieurs personnes”. Dit autrement, le législateur distingue les deux infraction par l’effectivité des éléments constitutifs d’une infraction pénale. En cette occurrence, l’élément matériel de l’attentat – exécution- consacre sa consommation quand l’élément moral -volonté d’agir- suffit à faire présumer le résultat légal attendu par le législateur. L’attentat est une exécution ou un commencement d’exécution. Ainsi donc, le complot est une conspiration, en d’autres termes, c’est l’acceptation morale et l’expression de la volonté à poser des actes ayant vocation à porter atteinte à la sûreté de l’Etat.
Dans le même ordre d’idée, à l’instar du complot, le législateur punit de la même peine, toute proposition rejetée tendant à matérialiser toute action de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat. C’est ainsi qu’il précise dans son paragraphe 3 de l’article susvisé que “ toute proposition faite et non agréée de créer un complot est punie comme le complot lui-même”, soit de la réclusion criminelle à perpétuité. Porté par un devoir d’exhaustivité, le législateur va au terme de l’article 71, édicter les faits dont la matérialisation punit ses auteurs de la réclusion criminelle à perpétuité pour atteinte manifeste à la sûreté intérieure de l’Etat. “ Seront punis de la réclusion criminelle à perpétuité :
-ceux qui, sans droit ou motif légitime, auront pris un commandement militaire quelconque ;
-ceux qui, contre l’ordre du gouvernement, auront retenu un tel commandement ;
Au terme de cette disposition, eu égard à la gravité du crime dans ce qu’il comporte comme risque pour la Nation et sa continuité, le législateur ne s’est pas abstenu de punir les autres actes corollaires à ceux visés au moyen de la peine capitale, soit la mort des auteurs de ceux-ci.
De l’éventuelle peine capitale
Complété par l’ordonnance n° 47/67 du 3 septembre 1967, l’article 76 punit de mort “ ceux qui auront dirigé ou organisé un mouvement insurrectionnel…”. Le paragraphe 3 de la même disposition précise que “ seront également punis de la même peine ceux qui auront participé à un mouvement insurrectionnel, soit en portant des armes ou munitions, soit en vue de faire attaque ou résistance à la force publique, en occupant des postes ou édifices publics ou privés…”
Le paragraphe 2 pour sa part, se présente comme suit “ Seront punis de la même peine tous ceux qui auront participé à la création d’un mouvement, parti ou groupe politique tendant à changer le régime constitutionnel, à renverser le gouvernement ou à organiser l’insurrection”. La présente disposition n’est pas sans rappeler à quelques exceptions près celle visée à l’article 68 dont la sentence est la réclusion criminelle à perpétuité. Pourtant, le législateur requiert la peine capitale pour des faits dont l’objectif reste in fine, le même. En légiférant de la sorte, il a certainement voulu d’une part, laisser libre court au ministère public pour requérir contre les auteurs, le chef d’accusation qui sied le mieux à la situation, tout en privilégiant d’autre part, l’interprétation souveraine des juges en conséquence de la gravité des actes. S’agissant de la complicité, le chapitre III intitulé “ Des dispositions communes aux diverses infractions contre la sûreté de l’Etat”, nous livre en son article 75 la substance du texte d’incrimination. C’est ainsi que sera reconnu comme potentiel complice des crimes ou délits contre la sûreté extérieure ou intérieure de l’Etat, en inspiration de l’article 49 du présent code, quiconque :
1.- ayant eu connaissance des faits constitutifs des infractions ci-dessus définis et qui ne les aura pas dénoncés ;
2.- connaissant les intentions de leurs auteurs, leur fournira subsides, moyens d’existence, logement, lieu de retraite ou de réunion ;
3.- portera sciemment la correspondance des auteurs d’un crime ou d’un délit ou leur facilitera sciemment, de quelque manière que ce soit, le recel, le transport ou la transmission de l’objet du crime ou du délit ;
4.- recèlera sciemment les objets ou instruments ayant servi ou devant servir à commettre le crime ou le délit, ou les objets matériels ou documents obtenus par le crime ou le délit.
Comme on peut le constater au regard des éléments énoncés ci-dessus, la rédaction exhaustive du législateur sur l’élément légal du crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat, rendrait l’énumération de tous les faits consubstantiels à ce crime particulièrement fastidieuse. Cela dit, il est possible de résumer en quelques points les éléments constitutifs de ce crime mettant en péril les intérêts fondamentaux par une atteinte effective aux secrets de la défense nationale, une atteintes à la sécurité nationale, par des faits de non-révélation des activités de nature à nuire à la défense nationale.
En somme, est punie par ce crime toute volonté de favoriser les intérêts d’une puissance étrangère au détriment de ceux du Gabon et tout acte de nature à troubler ou porter atteinte à la paix intérieure.
Aborder la question de la détention préventive, ce n’est jamais pour en dire du bien. Le plus souvent, c’est pour dénoncer les dérives de celle-ci, tant dans son principe même que dans les excès de son utilisation, en quantité comme en durée. En réalité, le problème majeur se trouve dans le fait qu’un magistrat ait le pouvoir de décider qu’une personne simplement soupçonnée d’avoir commis une infraction puisse être enfermée dans un établissement pénitentiaire, pour un temps déterminé – indéterminé dirait-on -, avant même son jugement.
Qu’est-ce que la détention préventive ? On entend par là un emprisonnement sur mandat judiciaire, subi avant l’intervention d’un jugement définitif. La population carcérale est ainsi composée de « prévenus » et de « condamnés » : les premiers sont sous l’effet d’une détention préventive et sont donc dans l’attente d’un jugement ; tandis que les seconds ont déjà fait l’objet d’une condamnation ayant acquis le caractère définitif.
Comme bien des débats concernant le fonctionnement du système de justice pénale, ceux qui portent sur la détention préventive ont le plus souvent recours aux nombres pour démontrer combien il est nécessaire de réduire, autant que faire se peut, l’usage de cette mesure. Selon le Rapport sur la visite au Gabon du Sous-comité des Nations Unies pour la Prévention de la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants publié le 23 juin 2015, au 5 décembre 2013 la prison de Libreville accueillait 1656 détenus dont 1168 prévenus pour 485 condamnés, ce qui fait plus de 70% de prévenus ; celle de Lambaréné 150 prévenus pour 76 condamnés, alors que Port-Gentil contenait 2/3 de prévenus. On doute que la situation se soit améliorée jusque-là.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité gabonais, n’énonce-t-elle pas que « Tout homme est déclaré innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » ? Dans l’esprit de beaucoup, la personne mise en détention préventive devient un présumé coupable et son incarcération s’analyse le plus souvent en une condamnation immédiate.
La confusion ainsi entretenue est largement tributaire de la méconnaissance de l’institution et de l’ignorance des textes qui en définissent les contours.
Cela dit, comment le législateur gabonais encadre-t-il la détention préventive ?
Ce sont principalement les articles 115 à 130 du code de procédure pénale gabonais, réformé par la Loi n° 36/2010 du 25 novembre 2010, qui constituent la réglementation en matière de détention préventive. Ce texte réglemente et encadre tour à tour le placement en détention provisoire, sa durée et son extinction.
I- Le placement en détention provisoire
Avant toute chose, il faut préciser que le placement en détention préventive peut être décidé à tout moment de l’instruction judiciaire, mais seulement contre une personne préalablement inculpée. Cette inculpation se réalise par le moyen d’un interrogatoire au cours duquel le juge d’instruction fait connaître expressément à la personne mise en cause chacun des faits qui lui sont reprochés. L’article 116 du code de procédure pénale gabonais énonce qu’à partir de cet instant « l’inculpé doit être informé de son droit à l’assistance d’un conseil de son choix ou commis d’office ». C’est seulement après l’inculpation que le juge d’instruction peut décider d’une mesure de détention provisoire. En principe, on considère qu’à partir du moment où le juge d’instruction prend une mesure de détention préventive, c’est qu’il estime, dans l’espèce en cause, que le contrôle judiciaire qui a été fait préalablement s’est avéré insuffisant.
L’article 116 du Code pénal nous enseigne ensuite que la détention préventive se déclenche par le mandat de dépôt délivré par le juge d’instruction, qui doit être signé en même temps qu’il prend une ordonnance expliquant sa décision. C’est un mandat donné par ce magistrat au surveillant-chef de la maison d’arrêt de recevoir et détenir l’inculpé. Dans le cas où l’inculpé viendrait à s’échapper par exemple, le mandat de dépôt permettrait de déclencher les recherches et son arrestation. Nous avons vu que dans l’affaire des putschistes qui ont été interpellés après le « coup d’état » manqué du 7 janvier dernier, ainsi que de leur présumé complice Ballack Obame, membre du mouvement des jeunes de l’Union Nationale, le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de première instance de Libreville a annoncé leur placement sous mandat de dépôt. Cette annonce marque le commencement de la détention préventive de ces prévenus et on en déduit donc que l’instruction judiciaire qui s’est déroulée jusque-là n’a pas suffi à démontrer leur responsabilité dans les faits reprochés.
Mais, qu’est ce qui justifie au juste la mise en détention préventive ? Le juge d’instruction doit motiver les raisons pour lesquelles il décide de placer une personne en détention préventive ; ces motifs restent toutefois limitativement énumérés par l’article 115 du code de procédure pénale. Elle est nécessaire :
– Lorsqu’elle est « l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ». On déduit ici que la personne soupçonnée ait l’intention et la possibilité de faire disparaître les traces, objets ou documents nécessaires à la manifestation de la vérité.
– Lorsqu’elle est « l’unique moyen d’empêcher une pression sur les témoins ou victimes ». Il arrive en effet fréquemment que la mise en cause d’une personne repose sur les déclarations de témoins ou de victimes de faits. Si l’inculpé est mis en liberté, il existe un risque que celui-ci cherche à entrer en contact avec ceux-là pour les amener, par exemple sous la menace, à modifier leur déclaration.
– Lorsqu’elle est « l’unique moyen d’empêcher une concertation frauduleuse entre l’inculpé et les complices ». Cette motivation suppose la participation de plusieurs personnes à la commission de l’infraction : le risque de concertation, par exemple pour modifier les déclarations déjà faites dans le but de limiter les responsabilités ou d’échapper à l’action en justice.
– Pour « conserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction ».
– « Pour mettre fin à l’infraction ou pour prévenir son renouvellement ». C’est le cas des infractions continues pour lesquelles il peut s’avérer utile d’empêcher par ce moyen qu’elle ne se poursuive.
– « Pour garantir la représentation de l’inculpé devant la justice ». En effet, le domicile de l’inculpé peut être difficilement identifiable et, dans ce cas, la détention peut être le moyen de s’assurer de sa présence pendant la durée de l’information et le jour du jugement.
II- La durée de la détention provisoire
Une fois la détention préventive décidée par le juge d’instruction, il convient de déterminer quelle peut être sa durée. Cette question de la durée semble poser le plus de problème. La réponse à la question « combien de temps doit durer une détention préventive ? » semble moins relever de la loi que de l’art divinatoire.
Récemment par exemple, la cour d’appel judiciaire de Mouila a acquitté deux jeunes gabonais après avoir passé trois années en détention préventive. En l’espèce, alors que le 31 mai 2015 Stéphane Ibinga se trouvait dans un hangar de vin de palme, un débat portant sur la question des crimes dits « rituels » conduira le jeune homme à dire – peut être sous l’effet de l’alcool – qu’il en a déjà été l’auteur pour des faits remontant à 2014. Cette déclaration n’étant pas tombée dans l’oreille d’un sourd, un autre consommateur s’empressera alors d’en faire le lien avec l’assassinat de son frère survenu dans la même période. Les agents de la police judiciaire, sur dépôt de plainte du consommateur inconnu, interpelleront Stéphane Ibinga ainsi qu’Ezéchiel Nyambi son complice. Après leur avoir avoué, tour à tour, leur implication dans la commission de ces crimes, les prévenus reviendront sur leurs aveux en confiant au juge qu’ils avaient été contraints d’avouer le crime sous la menace des agents. La cour d’appel judiciaire de Mouila prononcera le 28 janvier 2019 la remise en liberté des prévenus, après que ceux-ci aient passé trois ans et sept mois en incarcération.
On ne pourra saisir les difficultés de cette espèce qu’après avoir pris connaissance des prescriptions légales en matière de durée de la détention préventive. La loi distingue selon que l’infraction reprochée soit un délit ou un crime.
En matière correctionnelle, nous dit l’alinéa premier de l’article 117 du code de procédure pénale, « la durée de la détention préventive peut excéder six mois ». L’écriture de ce texte semble inquiéter : cette durée « peut » excéder six mois, auquel cas on peut conclure que finalement la détention préventive peut être à durée indéterminée ; ou « ne peut » excéder six mois, hypothèse plus plausible mais surtout cohérente compte tenu de l’alinéa suivant sur la durée en matière criminelle… ? On préfère privilégier la deuxième proposition et retenir que la durée initiale ne peut excéder six mois, auxquels on pourra adjoindre six mois supplémentaires si le juge d’instruction estime que l’inculpé doit demeurer en détention au-delà d’un an, après avoir communiqué le dossier à la chambre de l’accusation qui, elle, se prononcera par un arrêt motivé rendu après réquisitions du procureur général. En tous les cas, l’écriture de ce texte – quoique maladroite – nous enseigne que la durée maximale de la détention préventive en matière correctionnelle ne peut excéder douze mois, prolongation y compris.
En matière criminelle, « la durée de la détention préventive ne peut excéder un an ». Toujours dans les mêmes conditions que celles de l’alinéa précédent, le juge d’instruction peut demander à la chambre d’accusation que soit prolongée la durée de la détention ; mais cette prolongation « ne peut excéder six mois ». Ce qui revient à dire qu’en matière de crimes, et tel qu’est rédigé le texte, la durée maximale de la détention préventive ne peut excéder dix-huit mois.
Si l’on confronte les faits mentionnés ci-dessus avec les prescriptions légales en vigueur, comment se fait-il qu’on ait des durées hors du commun ?
Nous pensons que ces anomalies sont directement liées, d’abord, à l’inefficacité du service public de la justice, laquelle à son tour est en partie la conséquence de l’absence de moyens financiers permettant un fonctionnement normal. Sinon comment expliquer qu’un prévenu, qui vient de passer quatre années en détention préventive, voit son séjour prolongé du seul fait que le greffe a oublié de transmettre la décision de sa libération aux autorités pénitentiaires ? Ou encore, comment expliquer que sur l’année 2014-2015, toutes les audiences d’assise de Lambaréné ont été annulées ?
Ainsi, dans un souci de limiter au mieux le recours à cette mesure, ne serait-ce pas plus opportun de réfléchir sur d’autres peines, en dehors de la privation de liberté, pour des délits spécifiques d’une moindre gravité ? Si c’est réellement le manque de moyens financiers, nécessaires au bon fonctionnement du système judiciaire, pourquoi ne pas privilégier des alternatives qui coûteraient moins à l’Etat ? La détention préventive devrait être utilisée uniquement lorsqu’aucune autre solution raisonnable ne permet de faire face aux risques véritables de fuite ou de danger pour la collectivité. L’Etat défendrait davantage les intérêts de leurs citoyens en dépensant moins dans l’emprisonnement d’individus présumés innocents.
III- La fin de la détention préventive
La détention préventive peut prendre fin dans plusieurs cas.
Tout d’abord, l’article 118 du code de procédure pénale nous apprend que la détention préventive peut prendre fin pour non-respect des délais dans deux hypothèses. Premièrement, si le juge d’instruction et la chambre d’accusation ne statuent pas avant la fin du délai légal de la détention provisoire, l’inculpé doit être mis d’office en liberté « par le ministère public ».Ensuite, à l’expiration de la prolongation accordée par la chambre d’accusation, l’inculpé doit, là encore, être mis d’office en liberté par le ministère public.
L’article 122 du code de procédure pénale
ajoute encore que la mise en liberté provisoire peut être demandée à tout moment par l’inculpé ou son conseil au juge d’instruction, qui doit en informer le ministère public et la partie civile, afin que ceux-ci émettent leurs réquisitions et observations. Le juge d’instruction a ainsi huit jours pour statuer sur la demande de liberté provisoire, à défaut de quoi, l’inculpé et son conseil saisissent la chambre d’accusation qui doit statuer dans un délai de huit jours encore. Si celui-là à son tour ne statue pas, l’inculpé est en droit d’être remis en liberté par le Procureur général.
Une chose est certaine : dans les deux cas que nous venons d’évoquer, le rôle du ministère public est primordial dans la mise en liberté de l’inculpé puisqu’à chaque fin de procédure c’est lui qui doit l’ordonner. N’est-ce pas contradictoire que le ministère public, qui par principe est partie dans le procès pénal, ait la charge d’« ordonner » la libération provisoire d’un inculpé ?Si son intervention est justifiée par l’inertie préalable des juges d’instruction et de la chambre d’accusation, pourquoi ne pas créer une dernière institution indépendante, chargée d’ordonner la mise en liberté provisoire ?
Enfin, la détention préventive peut logiquement prendre fin en cas de jugement définitif. Lorsque la personne est restée en détention provisoire jusqu’à ce qu’une juridiction de jugement statue sur sa culpabilité et la peine, cette décision mettra fin à la détention provisoire. Si elle est condamnée à une peine d’emprisonnement avec maintien en détention, la détention préventive cesse et l’exécution de la peine d’emprisonnement ferme s’applique. La durée de la détention préventive viendra se déduire de la peine d’emprisonnement ferme prononcée par la juridiction. C’est le cas par exemple de Frédérick Massavala qui, ayant passé un an et cinq mois en détention préventive avant son procès au cours duquel on lui a infligé cinq ans d’emprisonnement dont trois avec sursis, il ne lui reste à purger que 5 mois en incarcération ; son séjour aux geôles sous l’effet de la détention préventive vient se déduire de la peine encourue.
Nous constatons donc que le mécanisme de la détention préventive, si l’objectif est de permettre une bonne instruction de l’infraction pénale, voit son principe de plus en plus dévoyé par la pratique judiciaire. Censé respecter un juste équilibre entre l’ordre, l’intérêt de la société et le respect des droits et libertés fondamentaux, on constate malheureusement que la pratique a fait son choix en méconnaissant les principes fondamentaux d’une bonne justice. Que fait la société civile ? A quoi servent nos représentants du Palais Léon Mba ? Comme on l’a entendu récemment, le respect des droits de l’Homme n’est-il finalement qu’une conception de l’esprit, bonne qu’à nous faire rêvasser devant la télévision ? Enfin et surtout, à quoi sert la justice ?
Terence Asseko Akoma
L’apparition récente sur les réseaux sociaux d’un document portant la signature du Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba n’a pas manqué de faire réagir les internautes gabonais. Pour certains, l’inactivité consubstantielle à la convalescence du Président de la République, conjuguée à son absence prolongée du territoire nationale, sont des faits de nature à faire peser des suspicions sur la production desdits documents. D’aucuns, plus fatalistes, ont formellement remis en cause l’authenticité de ladite signature en faisant planer sur ces actes, l’hypothèse de manipulations qui consomment amplement l’infraction de faux en écriture publique.
Le délit de faux et d’usage de faux se donne à lire par le fait pour un individu de fabriquer ou utiliser des documents contrefaits (faux diplômes, imitation de signature, etc.) dans le dessein, entre autres, de produire des effets juridiques.
En vertu du principe de « la légalité des délits et des peines» , pour qu’une action ou une abstention soit punissable, il faut qu’elle soit prévue et réprimée par un texte de loi: «nullum, crimen, nulla poena sine lege » (pas d’infraction, pas de sanction pénale sans loi).
En cette occurrence, l’élément légal de l’infraction de faux et usage de faux en écriture publique est présent au Chapitre VIII intitulé “Des Faux”. Le présent chapitre nous instruit en son article 115 du Code Pénal que la réclusion criminelle sera la peine pour tout fonctionnaire ou officier public qui dans l’exercice de sa fonction, aura commis un faux « soit par fausses signatures , soit par altération des actes, écritures ou signatures ; soit par supposition de personnes ; soit par les écritures faites ou intercalées sur des registres ou d’autres actes publics, depuis leur confection ou clôture » . A cette première disposition, vient se greffer l’article 117 qui dans le même esprit, punit de 10 ans d’emprisonnement tout individu qui se sera rendu coupable de faux en écriture authentique et publique par « contrefaçon ou altération d’écritures ou de signature ».
ll est établi, comme le recommandent les usages du droit que la consommation d’une infraction pénale ne saurait être effective que par la réunion des éléments légal, matériel et moral. Si l’élément légal est le texte d’incrimination, l’élément matériel est un acte positif, une action contraire à la défense légale qui se traduit le plus souvent par une initiative physique qui consiste à réaliser ce que le texte pénal interdit. C’est la volonté tendue vers le résultat légal. L’élément moral, quant à lui, se définit comme la conscience et la connaissance du caractère frauduleux de l’acte posé. Dit autrement, l’élément moral se consomme lorsqu’un agent a la volonté consciente et délibérée de commettre l’élément matériel de l’infraction.
En l’espèce, l’acte circulant sur la toile porte effectivement la signature du Chef de l’Etat et est daté du 6 février 2019, comme étant réalisé à Libreville. La présence de ladite signature fait présumer l’élément matériel de l’infraction. Son élément moral s’observe ainsi par la conscience et la connaissance par l’agent supposé de l’acte frauduleux, ayant reproduit la signature.
S’il est évident que la présente hypothèse ne s’appuie essentiellement que sur des défiances, il est irrécusable de ne pas concéder le caractère énigmatique de l’apparition abrupte de cet acte paraphé par le chef de l’exécutif. En effet, sauf infidélité de notre mémoire, le Président de la République, depuis son passage remarqué à la cérémonie de la prestation de serment du gouvernement du 15 janvier 2018, au terme de laquelle il a regagné son pays de convalescence, n’a plus effectué de retour sur le territoire national. La presse présidentielle, nationale et internationale, comme d’ordinaire, n’a jamais communiqué sur son éventuel retour au Gabon. De plus, il semblerait ce dernier n’ait à ce jour ni signé, ni pris le décret portant promulgation de la loi de finance 2019. En y prenant appui, comment le chef de l’Etat a donc pu parapher ces actes datés du 6 février à Libreville ?
Il est impératif pour l’exécutif, que la lumière soit faite sur cette affaire, laquelle présente toutes les configurations d’une controverse. L’impossibilité pour le gouvernement ou la Présidence de la République à justifier de la présence sur le sol gabonais du Chef de l’Etat, n’aura pour seul effet que de faire fleurir la rumeur sur la pratique au sommet de l’Etat, des actes tendant à consommer l’infraction de faux en écriture publique constitutive d’un délit pour altération frauduleuse de la vérité par l’établissement d’actes frauduleux.
Une telle possibilité souillerait nos valeurs républicaines, remettrait en cause l’éthique et la moralité de nos gouvernants et porterait, par dessus tout, atteinte au crédit de la Nation. Au regard de l’enjeu, le gouvernement doit prendre ses responsabilités afin de lever le voile sur cette interrogation qui n’est de nature qu’à donner du Gabon, l’image d’un pays de peu de vertu. Auquel cas, au Ministère Public de se saisir de cette affaire par le moyen de la procédure inquisitoire et d’ouvrir une enquête comme le recommande les règles de procédure pénale en vigueur.
L’ancien Chef du gouvernement s’est vu à la faveur d’un décret présidentiel pris en dehors de tout Conseil des ministres nommé au poste de Médiateur de la République. Seulement, il semblerait que cette nomination porte en elle les germes d’une démarche irrégulière en violation flagrante des textes qui consacrent la forme et le fond d’une telle nomination.
L’irrégularité de la nomination d’Emmanuel Franck Issoze Ngondet se donne à lire par La transgression flagrante de deux dispositions de l’ordonnance 23/PR/2010. Ces dispositions posent clairement les conditions de forme, puis de fond consacrant la régularité sur la procédure de nomination relative à la fonction précitée. L’une d’elle expose en outre, l’incompatibilité entre la fonction de Médiateur de la République et la possibilité d’exercer un mandat parlementaire.
En application des dispositions légales, l’article 6 de l’ordonnance 23/PR/2010, nous enseigne qu’« il ne peut être mis fin aux fonctions de médiateur de la République avant l’expiration de son mandat qu’en cas d’empêchement dûment constaté par la Cour constitutionnelle, saisie par le Président de la République. La cessation des fonctions est matérialisée par décret du Président de la République ».
Avant la récente nomination de l’ancien chef du gouvernement, la fonction de médiateur de la République était jusque –là assurée par Laure Olga Gondjout. Nommée le 16 janvier 2016, le mandat de l’ancienne ministre des affaires étrangères a expiré en janvier 2017. Tel que précisé au terme de l’article 5 de l’ordonnance 23/PR/2010, ledit mandat est de 3 ans renouvelable. Celui de Laure Olga Gondjout s’étant conformé aux exigences de la présente disposition , il se déduit qu’elle exerçait encore la même fonction sensée arriver à son terme en janvier 2020. Et ce d’autant plus qu’au terme de son mandat de 2017, aucun décret portant nomination d’un nouveau Médiateur de la République n’a été produit.
En sus, aucun élément matériel n’est venu étayer un cas d’empêchement dûment constaté par la Cour Constitutionnelle après saisine du Président de la République, du reste en convalescence au royaume chérifien. Or, l’établissement d’un décret, après constatation de l’empêchement par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de la République, sont des exigences de formes qui concomitamment, consacrent la régularité de ladite nomination. Seulement, aucune preuve d’une saisine entraînant la constatation d’un empêchement de l’ancien médiateur de la République n’a été rendue publique. Constat fait, si le gouvernement ne peut justifier ni d’un empêchement ni d’une saisine du chef de l’Etat, sous quel fondement juridique aurait donc pu intervenir une telle nomination?
S’agissant de l’incompatibilité, l’article 12 de la même ordonnance précise que « sont incompatibles avec les fonctions de médiateur de la République… l’exercice d’un mandat parlementaire ou d’élu local ». Pourtant, au terme de la dernière élection jumelée locale et législative, Emmanuel Issoze a conquis le siège de député de Makokou, chef-lieu de la province de l’Ogooué-Ivindo. Ainsi donc, l’incompatibilité de la fonction de Médiateur de la République est corroborée par la lettre et l’esprit de l’article précitée. Laure Olga Gondjout dont le mandat expire en Janvier 2020 devait en principe continuer à exercer ses fonctions de Médiatrice de la République.
Au visa de ce procédé qui contrevient de façon flagrante aux prescriptions de l’ordonnance 23/PR/ 2010, il est évident que le gouvernement ne saurait expliquer encore moins justifier, la régularité des récents décrets pris dans l’exercice du pouvoir public.
En transgressant les textes, l’exécutif s’est lancé dans une démarche fort insidieuse en produisant des décrets dont il a corrompu la forme et le fond par des procédés illicites qui n’ont pour effets que de faire courir le risque que ces décrets de nominations soient frappés de nullités pour vice de forme et de fond. Une nullité qui serait possible après saisine du Conseil d’Etat dans un recours pour excès de pouvoir en interprétation et en appréciation de la légalité des actes.
Les premières dispositions de la Loi n° 019/2016 du 09 août 2016 portant Code de la Communication en République Gabonaise s’attèlent à poser un principe de base et universel reconnu dans toute démocratie. On lira par exemple aux termes de l’article 3 de cette loi que : « Les activités de communication audiovisuelle, écrite numérique et cinématographique sont libres en République Gabonaise, sous réserve du respect de l’ordre public.
Elles contribuent au développement de la personne humaine… ».
Le principe est donc la liberté, celle de véhiculer l’information et d’exprimer sa pensée, sous réserve de respecter l’ordre public et la dignité des autres citoyens.
La loi définit ainsi la liberté accordée à tout citoyen de communiquer et de véhiculer une information, en lui laissant le choix du moyen de communication; parmi lesquels nous pouvons retrouver les réseaux sociaux qui, aujourd’hui, sont devenus des plateformes incontournables d’expression publique. Cependant, la facilité d’accès à ces réseaux sociaux, qui laisse à penser qu’ils sont régis par un principe de liberté absolu, ne doit pas nous faire oublier le respect à la dignité de chaque citoyen dans nos différents échanges.
La liberté d’expression numérique, comme pour tout autre mode d’expression, trouve ses limites dans les dispositions du code pénal qui sanctionnent les atteintes à l’honneur et à la considération des particuliers.
Pour planter le décor, une question toute simple. Une personne pourrait-elle par exemple effectuer un dépôt de plainte sur le fondement qu’elle ait été victime, sur les réseaux sociaux, de propos portant atteinte à son honneur ou à sa considération ?
Que dit la Loi ?
Le code pénal gabonais est très clair à ce sujet. Il distingue deux sortes d’infractions contre l’honneur et la considération des particuliers, qui peuvent être publiques ou non, selon qu’elles aient été commises sur un espace public ou non.
Sur les atteintes à l’honneur et à la considération des personnes
Le chapitre 11 du livre 3 du code pénal gabonais vise à incriminer les « atteintes à l’honneur et à la considération des particuliers », dans lequel elle distingue la diffamation et l’injure. Avant de définir ce que sont ces infractions, revenons sur les termes d’honneur et considération des particuliers.
L’ « honneur » et la « considération » sont les valeurs sociales atteintes par la diffamation et l’injure, et qui sont entachées par les propos allégués ou imputés. Selon le Trésor de la langue française, l’honneur correspond au « bien moral dont jouit une personne dont la conduite lui confère l’estime des autres et lui permet de garder le sentiment de sa dignité morale » pendant que la considération est l’ « estime ou les égards que l’on témoigne à quelqu’un après avoir pu apprécier sa valeur ». Juridiquement on considère que l’honneur est l’estime que l’on a pour soi-même alors que la considération est l’estime que les autres ont de soi.
Ceci dit, que recouvrent exactement les notions de diffamation et d’injure ? Ces infractions sont successivement définies aux articles 283 et 286 du code pénal gabonais.
Article 283 du code pénal : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle elle est imputée est une diffamation… ».
Article 286 du code pénal : « Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure… » .
La difficulté qui se pose souvent est de savoir si un propos – ou un écrit- relève de la diffamation ou de l’injure. Les tribunaux estiment que pour constituer une diffamation, une allégation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, comme le fait d’imputer à autrui un comportement constitutif d’une infraction pénale ou d’un manquement à la morale. De mémoire, on se rappelle de l’affaire opposant Hervé Patrick Opiangah à Jean Ping au cours de laquelle ce dernier, qui avait été victime d’actes de vandalisme à son domicile, avait été condamné par la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Libreville pour avoir tenu à l’égard du premier, sur son compte facebook, des propos laissant supposer son implication dans l’organisation de ces évènements.
En revanche, faute de précision sur un fait particulier, les propos ou écrits relèveront de l’injure s’ils revêtent un caractère outrageant ou méprisant. Sera par exemple constitutif du délit d’injure le fait de qualifier une personne d’ « affairiste » , de « triste con » ou de « un peu bête ».
Lorsqu’ils ne seront ni diffamatoires ni injurieux, les propos ou écrits relèveront de la manifestation d’une opinion et ne pourront faire l’objet de poursuites sur le fondement des dispositions du code pénal susmentionnées.
La particularité des réseaux sociaux sur le qualification de l’infraction
Les articles 284 et 286 du code pénal prévoient l’hypothèse dans laquelle les propos diffamatoires ou injurieux auraient été commis sur un espace public.
Article 284 : « Quiconque… se rendra coupable de diffamation envers un particulier, soit par discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches exposés aux regards du public, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 24 000 à 300 000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement ».
Article 286 : « l’injure commise envers les particuliers, dans les conditions énoncées à l’article 284, sera, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocation, punie d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 24 000 à 120 000 francs ou de l’une des deux peines seulement ».
Les tribunaux ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur le caractère public ou non des communications électroniques. Elle a en effet admis que les réseaux sociaux peuvent être le support de diffamations ou d’injures publiques, tout en définissant ce caractère public. Il s’agissait en l’espèce d’une salariée qui avait publié les propos incriminés sur Facebook, accessibles à ses différents « amis » ou « contacts ».
La Cour dit qu’est constitué l’élément de publicité « dès lors que les destinataires des propos incriminés, quel que soit leur nombre, ne forment pas entre eux une communauté d’intérêt »; et que par communauté d’intérêts il faut entendre « un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés».
Facebook peut être à la fois un espace public et privé de sorte qu’il soit nécessaire de distinguer selon que les propos incriminés soient tenus sur le mur de l’auteur, accessible à toute la communauté Facebook et alors passibles de poursuites; et les conversations privées sur la messagerie personnelle du réseau social, qui ne le sont pas, si ce n’est pour injure ou diffamation non publique.
Il en découle logiquement que non seulement pourrait être poursuivi l’auteur d’une publication mais également celui qui la rediffuse, puisqu’il contribue à sa publicité et donc au préjudice de la personne ou du groupe visé.
Les internautes ne doivent donc pas penser que les réseaux sociaux sont des zones de non-droit où règne un principe absolu de liberté d’expression. Il serait totalement illusoire de faire une publication dans laquelle on traite nommément une personne de « un peu bête », ou lui impute de tout autre fait sans fondement, et s’attendre légitimement que cette personne ne cherche à rétablir l’atteinte portée à son honneur ou à sa considération. La loi protège l’honneur et la considération des personnes. Si le cas d’espèce ne fait pas toujours l’objet de poursuites pénales, c’est uniquement parce que les personnes lésées préfèrent passer outre, ou parce qu’elles ignorent qu’elles ont la possibilité de faire respecter leur dignité. Mais si elle a connaissance des droits qui lui sont reconnus par la Loi, elle serait légitime, devant les tribunaux, à demander la condamnation de ces atteintes; sous réserve pour la victime de respecter les conditions de forme de son action.
Dans une réaction consubstantielle à un article doctrinale de Sieur Harold Leckat intitulé « Du fait de sa candidature prématurée, Ali BONGO s’englue dans les restrictions constitutionnelles de l’article 11 », Monsieur Ebango Parfait a cru bon de remettre en cause ledit texte, donnant ainsi à l’analyse un caractère erroné.
C’est au terme d’une analyse faite en 4 points, que l’auteur va asseoir sa contestation et fonder son objection face à l’article énonçant les restrictions constitutionnelles liées à la candidature du président sortant. « Président sortant », une phrase à priori anodine mais qui va se révéler être le chaînon manquant de la compréhension de l’article 11 de notre Constitution par Mr Ebango Parfait.
Aux fins de mettre à nue cette incompréhension, Que dit la Loi par ma plume, adresse une réponse synthétisée à notre contradicteur que nous remercions au passage pour l’intérêt qu’il porte à nos travaux et dont nous saluons en retour, l’effort d’analyse.
Dans son article, Monsieur Hardol Leckat exprime l’idée selon laquelle la déclaration du 29 février 2016 à Port-Gentil marquant l’annonce de candidature du président sortant, porte en son sein des restrictions d’un point de vue constitutionnelle.
En effet, en prenant appuie sur l’article 11 de la Constitution, Harold Leckat a fait constater l’impossibilité du président déclaré candidat, de dissoudre l’Assemblée Nationale ou encore de légiférer par ordonnance.
Légèreté et versatilité sur la quintessence de l’article 57 du Code Électoral
Pour l’auteur, l’analyse sur le caractère juridique de l’annonce de candidature du Président de la République est erronée, car selon son entendement, elle heurterait la substance de l’article 57 du Code Electoral. La lettre de l’article 57 énonce que « Tout candidat à un mandat électif doit faire une déclaration de candidature légalisée… ».
Pour ce dernier, seule une candidature répondant aux dispositions prévue à l’article 57 du Code électoral peut se prévaloir d’une certaine valeur juridique. Étant donné que l’annonce faite par Ali BONGO ne remplit pas cette exigence, elle est pour Monsieur Parfait EBANGO amputée de base juridique. C’est pourquoi, pour ce dernier, l’annonce de la candidature du président sortant ne le prive pas des restrictions présentes à l’article 11 de la Constitution.
Si cette analyse peut donner l’illusion d’une pertinence certaine, l’auteur en réalité s’enlise dans un profond amalgame. En effet, Sieur EBANGO fait montre d’une confusion primaire , s’emmêlant les neurones entre l’annonce de candidature d’un postulant ordinaire à la présidentielle d’une part, et sur celle visant le président sortant d’autre part.
Notre contradicteur a manqué de distinguer l’annonce de candidature, d’une déclaration de candidature. Pour sa gouverne, l’annonce de candidature est l’acte par lequel un homme porte à la connaissance de l’opinion publique sa volonté de se présenter à une élection. A contrario, une déclaration de candidature est un acte réglementé dont la matérialisation octroie à son auteur une autorisation officielle de compétir. C’est la candidature issue de l’article 57 du Code électoral.
En ce sens, seuls les candidats lambda à une élection présidentielle doivent obligatoirement remplir les conditions tirées de l’article 57 pour faire admettre leur candidature comme acte juridique. Raymond NDONG SIMA ou encore Dieudonné Minlama Minto’o ont fait des annonces de candidature qui ne sont pas encore des déclarations de candidature. Elles ne sont donc pas considérées à ce stade comme des « candidatures légalisées » comme prévu par l’article 57. Le président sortant, pour sa part, n’est pas débiteur de l’obligation tirée de l’article 57 du Code électoral pour faire admettre son annonce comme acte juridique.
L’article 11 de la Constitution, tiré du Titre III consacré au Pouvoir Exécutif dont le premier chapitre est intitulé « Du président de la République » consacre cette éventualité. Et c’est ce régime particulier auquel est soumis le président de la République, candidat à sa succession qui échappe au discernement de Monsieur EBANGO.
Epilogue d’un amalgame sur l’article 11 de la Constitution
Dans son exposé, l’auteur conteste l’idée selon laquelle par le seul fait de son annonce de candidature du 29 février dans la capitale économique, le président se serait, eu égard à la constitution, porté candidat. Il soutient ainsi que seule la candidature répondant aux exigences de l’article 57 du Code électoral renferme en elle un caractère juridique.
Au contradicteur d’adjoindre à cette première idée le fait qu’une candidature au sens juridique du terme requiert un écrit. C’est ainsi qu’il parle de « l’exigence d’un écrit », pour conclure que le président, de part son annonce de Port -Gentil n’ayant pas satisfait à cette exigence, sa candidature ne peut donc être admise comme une « une déclaration de candidature légalisée ». Cette analyse est d’une promiscuité inouïe car elle méconnaît l’essence de l’alinéa 4 de l’article 11 de la Constitution.
L’alinéa 4 dudit article consacre en effet, un régime juridique particulier au président de la république auquel même le Code électoral ne peut déroger. Il dispose que « Si le président en exercice se porte candidat, l’Assemblée Nationale ne peut être dissoute. Il ne peut, en outre, à partir de l’annonce officielle de sa candidature, Jusqu’à son élection, exercer son pouvoir de légiférer par ordonnance… ». Ici le constituant parle de « se porter candidat ». Autrement dit, de la volonté de se présenter afin de briguer à nouveau les suffrages du peuple. Se porter candidat n’impose pas une déclaration de candidature formellement établie comme l’entend l’article 57 du Code électoral, lequel n’évoque que la déclaration de candidature.
Le 29 février 2016 à Port-Gentil, Ali BONGO s’est clairement porté candidat pour un second mandat. L’article 11 de la Constitution, attribue donc à cette annonce de candidature un caractère juridique.
Ainsi, il n’est pas nécessaire pour le président sortant, de se conformer à l’article 57 pour faire admettre sa candidature comme un acte juridique. L’annonce ne saurait être dépourvue d’un caractère juridique que si, elle est faite par un candidat autre que le président de la République comme Jean PING ou encore Frédéric Massavala. Ces derniers, sont astreint au respect de cet article. Une astreinte que ne partage pas le président en vue de l’obtention du caractère juridique.
En conséquence, ce dernier perd les deux prérogatives énoncées ci-dessus par l’article 11. De ce fait, l’argumentation sur l’exigence d’un écrit et les délais relatifs à la commission et les deux autres points évoqués, s’écroulent comme un château de carte au contact de l’article 11 de la Constitution.
En sommes, cette analyse qui consiste à remettre en cause le caractère juridique d’une déclaration de candidature du président par le seul fait de l’article 57 est foncièrement factice et contrefaite car fondée sur un amalgame grossier.
Un amalgame né de la lettre de l’article 11 de la Constitution dans son alinéa 4 visiblement méconnu par notre contradicteur.
Sur la déclaration légale de candidature
Si la déclaration du candidat-président n’est pas établie conformément aux dispositions de l’article 57 de la loi n°07/96 du 12 mars 1996, portant dispositions communes à toutes les élections politiques, il n’en demeure pas moins qu’elle affecte considérablement le fonctionnement des institutions et partant du service public.
D’abord, la primature a été la première a être troublée par cette annonce. Un communique final du conseil des ministres du jeudi 10 mars 20166 énonce : « Par la suite, à l’issue d’une communication du Premier Ministre, relative à la déclaration « d’OZOURI » au cours de laquelle Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République, Chef de l’Etat, a fait part de sa décision de solliciter les suffrages de ses concitoyens pour un second mandat, le Gouvernement de la République a marqué sa forte et totale adhésion à cette candidature et a pris l‘engagement de travailler aux côtés de Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République, Chef de l’Etat, pour poursuivre, dans la paix et l’unité de la Nation, l’œuvre de développement et de transformation de la société gabonaise ».
A partir de ce moment ce qui pouvait encore être perçu comme une simple déclaration devenait une affaire d’Etat. Le conseil des ministres étant le cadre institutionnel par excellence où s’exprime le pouvoir exécutif. Aussi, les propos du président l’engagent, à lui tout seul, il est une source de droit de par l’institution qu’il représente. Il donc complètement caduque et saugrenu de limiter le caractère juridique de la candidature du « Président sortant » au seul respect de l’article 57 du Code électoral.
Du fait de sa lecture inexacte d’une disposition constitutionnelle, et de sa réaction péremptoire, Monsieur Parfait EBANGO s’englue dans des intrications liées à la compréhension de l’article 11 de la Constitution.
Sur l’annonce officielle
Le président de la République est un officiel, toute annonce dont il est la provenance revêt un caractère particulier.
Le 29 février 2016 à Port-Gentil, Ali BONGO, fort de son statut de président de la République a bel et bien fait une « annonce officielle » de candidature. Cette annonce de candidature pour un second mandat fut adoubée par sa formation politique le 12 mars dernier à l’occasion d’un congrès.
Le 26 mars, le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) à l’élection présidentielle de 2016, a reçu le soutien des épouses des personnels des Armées au camp Ntchorere rapportait la presse nationale. Le 31 mars 2016 sur Voa Africa au micro d’Idrissa Fall, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire, Ali BONGO lui même, répond, « bien sûr » à la question de savoir s’il était candidat à l’élection présidentielle. Ceci pour les faits.
J’invite ici notre contradicteur à retenir ceci une bonne fois pour toute. En droit, l’article 11 de la Constitution, consacre un régime distinctif, exclusif au président de la république que même le Code électoral ne peut déroger. Ainsi, il attribue donc à l’annonce de candidature du président à sa propre succession un caractère juridique.
Le Titre V de la loi n°07/96 du 12 mars 1996, portant dispositions communes à toutes les élections politiques porte sur la déclaration de candidature à proprement parlé. Il n’évoque pas l’annonce officielle. Il ne traite que des conditions de déclaration de candidature légalisée.
Pharel Boukika
Le respect du vote citoyen est un droit doctement consacré à telle enseigne qu’il est reconnu dans notre Constitution l’exigence de respecter cette volonté du peuple comme nous le rappelle l’article 3 alinéa 2 de celle-ci : « Aucune section du peuple, aucun groupe, aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale ni entraver le fonctionnement régulier des institutions de la République »
Il appartient au juge de la constitutionnalité des lois, garant desdits droit fondamentaux, de veiller à la bonne application des règles de manière à consolider la sincérité du scrutin, expression de la volonté du peuple. Laquelle est consacrée à l’article 3 du paragraphe 15 nouveau de la Constitution du 12 Janvier 2011 lequel nous enseigne que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce directement par… élection, selon le principe de la démocratie pluraliste et indirectement par les institutions constitutionnelles ».
Dans le but exclusif de garantir le plein exercice de ce droit, il revient aux juges lorsqu’ils sont saisis des contestations, de veiller à l’application rigoureuse et fidèle des règles qui l’encadrent. Tel est l’enjeu du contentieux électoral.
Le contentieux électoral a pour but de traiter des litiges relatifs à l’organisation des élections et ceux mettant en cause la régularité des processus électoraux. Le contentieux est ainsi consubstantiel aux élections tout comme l’élection le serait à la démocratie.
Il purge non seulement, les vices susceptibles d’entacher la légitimité de l’élection mais tient également à ce que le Conseil Constitutionnel entre lequel est réparti le contentieux de l’élection, partage le conception selon laquelle, il est le seul et unique garant de la sincérité et la conformité du scrutin, l’article 2 alinéa 5 du Règlement de Procédure de la Cour Constitutionnelle faisant foi : « La Cour Constitutionnelle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielle, parlementaires… dont elle proclame les résultats ».
Une compétence explicitement consacrée par la Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle en son article 66 alinéa 2 « La Cour constitutionnelle est la seule compétente pour statuer sur les réclamations relatives… aux opérations électorales dont l’élection présidentielle ». Ainsi posé, c’est à l’endroit de cette institution qu’est adressée toute saisine en contestation d’une élection politique.
Le recomptage des voix est une démarche post électorale qui justifie de la présence manifeste d’éléments de faits et/ ou de preuves de nature à faire planer le doute sur la authenticité et la régularité du scrutin. Il intervient en plein contentieux électoral et est astreint au respect d’une procédure légalement consacrée.
L’EXIGENCE DE LA PROCÉDURE : Contradiction entre dispositions légales et stratégie adoptée par la Cour .
L’article 40 de la Loi Organique N°9/91 du 29 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle dispose clairement que « La Cour statue uniquement sur l’ensemble des moyens soulevés par le requérants. Elle ne peut soulever des moyens d’office sauf cas de violation manifeste de la Constitution ou des principes à valeur constitutionnelle ». A l’alinéa 1 de ladite disposition de préciser « La Cour Constitutionnelle statue en constitutionnalité et non point en opportunité ».
En l’espèce, au lendemain de la proclamation des résultats du scrutin, le candidat malheureux Jean PING sur la base des résultats particulièrement dilatants et grossièrement ajustés dans la province du Haut-Ogooué a saisi la Cour aux fins de contester la victoire du Candidat Ali Bongo dans cette province et par ricochet, sa victoire sur le scrutin présidentiel final.
En prenant appuie sur l’article susmentionné, il est évident que le recomptage des voix ne devait se porter que sur la province querellée à savoir celle du Haut-Ogooué, objet de la protestation et donc du contentieux, dont les 95% des suffrages ont du mal à passer auprès de l’opinion nationale et internationale. De quoi nous interroger sur la stratégie arrêtée par la Cour Constitutionnelle visant à recompter les voix dans l’ensemble des bureaux de vote sur le territoire national.
Sur quelle base ? Via quel moyen ou disposition, la Cour Constitutionnelle statue t-elle sur des moyens qui transgressent les prétentions du requérant ?
Ali Bongo n’ayant pas saisi la Cour et bien que deux des candidats, Abel MBOMBE NZOUDOU et Gérard ELLA NGEMA, ont eux, introduit des requêtes en contestation auprès de la Cour Constitutionnelle, il serait complètement irrationnel que celles-ci concernent toutes les provinces, tous les bureaux de vote et donc tous les 2800 Procès verbaux du pays.
En statuant de la sorte, la Cour Constitutionnelle outrepassent ses pouvoirs et statue « Ultra petita ». Dit autrement, les juges de la Cour Constitutionnelle dans ce contentieux statuent au-delà de ce qui leur a été demandé. Hors, en droit, le juge ne statue que sur l’objet de sa saisine, il ne peut statuer au-delà des prétentions du requérant, ni lui accorder plus qu’il ne lui a été demandé. En optant pour le recomptage des procès verbaux par procès verbaux sur l’ensemble du territoire national, au lieu de statuer exclusivement sur la province querellée, la Cour Constitutionnelle frappe d’inconstitutionnalité sa démarche et donc le recomptage de toutes les voix sur le territoire national.
QUID D’UNE ÉVENTUELLE ANNULATION DU SCRUTIN ?
La validité d’un scrutin est consubstantielle au bon déroulement et à la bonne tenue de celui-ci. La cour est habilitée à la valider, tout comme il peut l’annuler si ce dernier est entaché d’irrégularités et de manœuvres frauduleuses susceptible de porter atteinte à sa sincérité. C’est ce que nous révèle en substances l’article 80 de la Loi organique « La Cour Constitutionnelle peut soit valider le scrutin, soit annuler l’élection contestée, soit reformer la proclamation faite et proclamer élu un autre candidat »
La loi de préciser en son article 81 les causes d’annulation d’une élection en mentionnant entre autres :
– L’organisation des élections en dehors des circonscriptions ou des sections électorales définies par la loi ;
– L’organisation des élections dans des lieux autres que les bureaux de vote ;
– La manipulation du fichier électorale ou de la liste électorale ( Loi N°003/03 du 2 Juin 2003).
Sur l’organisation des élections en dehors des cadres préalablement définis par la loi, le scrutin du 27 août passé a été marqué par la découverte d’un bureau de vote clandestin dans les locaux d’une femme proche du parti au pouvoir au travers d’une vidéo faite par Marceau MALEKOU membre de l’opposition gabonaise.
Concernant la manipulation du fichier ou de la liste électorale les scores du moins fantaisistes, affichés dans la province du Haut-Ogooué avoisinant les 100% de participation ne laissent planer aucun doute sur les manœuvres grossièrement frauduleuses du parti au pouvoir.
Par ailleurs, l’article 82 va dans le même sens en précisant que « La violence, la fraude, la corruption entachent d’irrégularité l’élection et peuvent entrainer son annulation s’il est reconnu par la Cour Constitutionnelle qu’elle a faussé le résultat du scrutin de manière déterminante… ». Dans la province du Haut-Ogooué notamment, un représentant de l’opposition a été corrompu et pris la main dans le sac avec des billets de banque. Un cas de corruption qui a fait l’objet d’une constatation par un huissier de justice preuve de caractère réel et sérieux de l’acte.
Eu égard à ce qui précède, nous constatons in fine, la présence de plusieurs faits et événements qui épousent parfaitement la lettre et l’esprit des articles 80, 81 et 82 de la Loi organique sur la Cour Constitutionnelle relative l’annulation partielle ou définitive du scrutin présidentielle du 27 août dernier.
L’idée d’une annulation bien que possible, il serait plus pertinent pour la Cour de reconnaître la victoire du candidat Jean Ping, car de toute évidence, en annulant le vote du Haut-Ogooué, le candidat Jean Ping reste largement en tête de 60000 voix sur toute l’étendue du territoire et à l’étrangers.
Reste à savoir si la Cour Constitutionnelle restera fidèle aux textes qu’elle consacre certes, mais qu’elle viole en retour sans pudeur, au regard du bilan peut reluisant de la présidente de cette institution. Une présidente surnommée la « Tour de Pise » pour sa proximité avec le pouvoir et en raison de nombre important de décisions rendues en faveur de ce dernier.
Pour rappel, en 23 ans à la tête de la Cour Constitutionnelle Marie Madeleine Mbourantsou c’est quatre (4) élection présidentielles frauduleusement invalidées. Autant dire que sa réputation n’est pas usurpée.
Juriste
Co-fondateur de Que dit la loi