vendredi , 29 mars 2024
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Gabon: Que dit la loi sur l’usage de faux en écriture publique ?

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L’apparition récente sur les réseaux sociaux d’un document portant la signature du Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba n’a pas manqué de faire réagir les internautes gabonais. Pour certains, l’inactivité consubstantielle à la convalescence du Président de la République, conjuguée à son absence prolongée du territoire nationale, sont des faits de nature à faire peser des suspicions sur la production desdits documents. D’aucuns, plus fatalistes, ont formellement remis en cause l’authenticité de ladite signature en faisant planer sur ces actes,  l’hypothèse de manipulations qui consomment amplement l’infraction de faux en écriture publique.

Le délit de faux et d’usage de faux se donne à lire par le fait pour un individu de fabriquer ou utiliser des documents contrefaits (faux diplômes, imitation de signature, etc.) dans le dessein, entre autres, de  produire des effets juridiques.

En vertu du principe de « la légalité des délits et des peines» , pour qu’une action ou une abstention soit punissable, il faut qu’elle soit prévue et réprimée par un texte de loi: «nullum, crimen, nulla poena sine lege » (pas d’infraction, pas de sanction pénale sans loi).

En cette occurrence, l’élément légal de l’infraction de faux et usage de faux en écriture publique est présent au Chapitre VIII intitulé “Des Faux”. Le présent chapitre nous instruit en son article 115 du Code Pénal que la réclusion criminelle sera la peine pour tout fonctionnaire ou officier public qui dans l’exercice de sa fonction, aura commis un faux « soit par fausses signatures , soit par altération des actes, écritures ou signatures ; soit par supposition de personnes ; soit par les écritures faites ou intercalées sur des registres ou d’autres actes publics, depuis leur confection ou clôture » . A cette première disposition, vient se greffer l’article 117 qui dans le même esprit, punit de 10 ans  d’emprisonnement tout individu qui se sera rendu coupable de faux en écriture authentique et publique par « contrefaçon ou altération d’écritures ou de signature ».

ll est établi, comme le recommandent les usages du droit que la consommation d’une infraction pénale ne saurait être effective que par la réunion des éléments légal, matériel et moral. Si l’élément légal est le texte d’incrimination, l’élément matériel est un acte positif, une action contraire à la défense légale qui se traduit le plus souvent par une initiative physique qui consiste à réaliser ce que le texte pénal interdit. C’est la volonté tendue vers le résultat légal. L’élément moral, quant à lui, se définit comme la  conscience et la connaissance du caractère frauduleux de l’acte posé. Dit autrement, l’élément moral se consomme lorsqu’un agent a la volonté consciente et délibérée de commettre l’élément matériel de l’infraction.

En l’espèce, l’acte circulant sur la toile porte effectivement la signature du Chef de l’Etat et est daté du 6 février 2019, comme étant réalisé à Libreville. La présence de ladite signature fait présumer l’élément matériel de l’infraction. Son élément moral s’observe ainsi  par la conscience et la connaissance par l’agent supposé de l’acte frauduleux, ayant reproduit la signature.

S’il est évident que la présente hypothèse ne s’appuie essentiellement que sur des défiances, il est irrécusable de ne pas concéder le caractère énigmatique de l’apparition abrupte de cet acte paraphé par le chef de l’exécutif.  En effet, sauf infidélité de notre mémoire, le Président de la République, depuis son passage remarqué à la cérémonie de la prestation de serment du gouvernement du 15 janvier 2018, au terme de laquelle il a regagné son pays de convalescence, n’a plus effectué de retour sur le territoire national. La presse présidentielle, nationale et internationale, comme d’ordinaire, n’a jamais communiqué sur son éventuel retour au Gabon. De plus, il semblerait ce dernier n’ait à ce jour ni signé, ni pris le décret portant promulgation de la loi de finance 2019.  En y prenant appui, comment le chef de l’Etat a donc pu parapher ces actes datés du 6 février à Libreville ?

Il est impératif pour l’exécutif, que la lumière soit faite sur cette affaire, laquelle présente toutes les configurations d’une controverse. L’impossibilité pour le gouvernement ou la Présidence de la République à justifier de la présence sur le sol gabonais du Chef de l’Etat, n’aura pour seul effet que de faire fleurir la rumeur sur la pratique au sommet de l’Etat, des actes tendant à consommer l’infraction de faux en écriture publique constitutive d’un délit pour altération frauduleuse de la vérité par l’établissement d’actes frauduleux.  

Une telle possibilité souillerait nos valeurs républicaines, remettrait en cause l’éthique et la moralité de nos gouvernants et porterait, par dessus tout, atteinte au crédit de la Nation. Au regard de l’enjeu, le gouvernement doit prendre ses responsabilités afin de lever le voile sur cette interrogation qui n’est de nature qu’à donner du Gabon, l’image d’un pays de peu de vertu. Auquel cas, au Ministère Public de se saisir de cette affaire par le moyen de la procédure inquisitoire et d’ouvrir une enquête comme le recommande les règles de procédure pénale en vigueur.