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Les recalés du Bac : Que dit la loi? 

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PREALABLE

Au terme des résultats du baccalauréat session 201’, une série de contestation est menée à travers le pays par certains candidats recalés aux motifs d’une part, que leurs notes du baccalauréat première partie passé en classe de Première n’ont été prises en compte, et que d’autre part, les relevés de notes qui leur sont délivrés ne présentent pas la forme légale requise en République Gabonaise.

Pour mieux appréhender le bien-fondé de ces réclamations, un bref rappel des faits parait nécessaire avant de s’interroger sur leur conformité à la loi.

  • Bref rappel des faits.

Notons rapidement que l’organisation du baccalauréat et la délivrance de relevés de notes sont organisées par un certains nombre de texte dans notre pays et dont les plus récents sont les suivants :

  • La loi N°21/2011 du 14 février 2012 portant Orientation Générale de l’Education, de la Formation et de la recherche. Cette loi fixe le cadre général de l’enseignement au Gabon, même si sont application semble suspendue par un communiqué de la Présidence de la République en date du 4 décembre 2013 ;
  • Le Décret n°450/PR/MENESTFPRSCJS du 19 avril 2013 fixant les modalités de préparation, d’organisation et de délivrance du Baccalauréat dont l’article 29 décret que «  la deuxième partie du baccalauréat est constituée d’un examen qui porte sur les disciplines fondamentales de la série et des notes de la classe de terminale» et l’article 31 précise que « pour la deuxième partie, la moyenne des notes de la classe de terminale compte pour un tiers et la moyenne de l’examen compte pour deux tiers. » ;
  • La circulaire N 000520/ MENETP/CAB relative aux modalités transitoires de délivrance des diplômes du certificat d’Etudes Primaires (CEP), du Brevet d’Etudes du premier Cycle (BEPC), du Baccalauréat et de passage en classe de sixième, Seconde et terminale, en attendant la modification de la loi N°21/2011 du 14 février 2012 portant Orientation Générale de l’Education, de la Formation et de la recherche prise par le Ministre Pr. Léon N’ZOUBA le 7 Mai 2014 qui dispose « (…) Toutefois, les élèves ayant obtenu la première partie du baccalauréat l’année dernière conservent leurs notes et ne passeront cette année que les matières dites fondamentales de leurs série (…) » ;
  • la note d’explication (n°022/MENETP/SG/DGEC/DB), établie par le Directeur Général des Examen, considère que «l’admission définitive au baccalauréat est prononcée pour les candidats ayant obtenu une moyenne d’au moins 10/20 à chacune des 2 parties du Baccalauréat ». Cette note à la particularité de rappeler la moyenne à obtenir pour être déclaré admis ou admissible au baccalauréat

Les contestations s’élèvent à partir du moment où le calcul des moyennes n’a pas intégré les modalités prévues par la circulaire susvisée. Autrement dit, les notes de la première partie du baccalauréat première partie n’ont pas été additionnées à celle de la deuxième partie pour faire la moyenne, et les relevés délivrés à cet effet ne contiennent pas toutes les matières dans lesquels les candidats ont composé depuis la classe de Première.

Après ce bref rappel des textes et des faits, on peut alors se poser la question d savoir si ces réclamations sont fondées en droit ?

QUE DIT LA LOI ?

  • LE BIENFONDE DES REVENDICATIONS DES CANDIDATS RECALES

Il s’agira ici de dire si les candidats sont fondés à réclamer et si les relevés de notes qui leur sont conformes à la loi ?

  • SUR LA LEGALITE DES RECLAMATIONS

Les réclamations faites par les candidats recalés, qui sont considérées par certains comme fantaisistes et par d’autres comme ayant un objectif purement gracieux, sont à la lecture de l’ensemble des textes susvisés légitimes.

En l’espèce, les réclamations font suite à une note circulaire N 000520/ MENETP/CAB relative aux modalités transitoires de délivrance des diplômes du certificat d’Etudes Primaires (CEP), du Brevet d’Etudes du premier Cycle (BEPC), du Baccalauréat et de passage en classe de sixième, Seconde et terminale, en attendant la modification de la loi N°21/2011 du 14 février 2012 portant Orientation Générale de l’Education, de la Formation et de la recherche prise par le Ministre Pr. Léon N’ZOUBA le 07 Mai 2014 après un communiqué du 04 décembre 2013 de la présidence de la République consécutif à la crise à l’éducation nationale.

Adressée aux Directeurs Généraux des Examens et Concours et de l’Enseignement Scolaire et Normal, aux Directeurs d’Académies Provinciales, aux Chefs de Circonscriptions Scolaires et aux Chefs d’Etablissements de l’Enseignement Secondaire et Primaire, cette circulaire indique, relativement aux modifications « dites » apportées à certaines dispositions du décret n°450/PR/MENESTFPRSCJS du 19 avril 2013 fixant les modalités de préparation ; d’organisation et de délivrance du Baccalauréat, que « la première partie du baccalauréat est suspendue en attendant la mise en place des nouveaux curricula en Première » et que « toutefois, les élèves ayant obtenu la première partie du baccalauréat l’année dernière, conservent leurs notes et ne passeront cette année que les matières dites fondamentales de leurs séries ».

Le Ministre de l’éducation nationale, sur la base de ce qui précède et tel qu’indiqué dans la note d’explicative (n°022/MENETP/SG/DGEC/DB), établie par le Directeur Général des Examen, considère que «l’admission définitive au baccalauréat est prononcée pour les candidats ayant obtenu une moyenne d’au moins 10/20 à chacune des 2 parties du Baccalauréat ». Autrement dit, l’admission au Baccalauréat est prononcée pour le candidat qui a une moyenne d’au moins 10/20 à la première partie du baccalauréat et encore une moyenne d’au moins 10/20 à la deuxième partie du Baccalauréat.

Au regard de ce qui précède, la légalité des revendications des recalés est sans équivoque. N’en déplaise aux personnes aux appréciations sensationnelles ou émotionnelles.

  • SUR L’ILLEGALITE DES RELEVES DES NOTES

La légalité du relevé des notes est remise en cause ici en ce qu’il n’est pas établie selon la forme prescrite par la loi en République Gabonaise.

Le relevé de notes est un acte administratif du point de vue organique du fait qu’il émane d’une autorité administrative, c’est-à-dire du Directeur Général des Examens et Concours. Cet acte administratif unilatéral est une décision individuelle ayant pour destinataire une ou plusieurs personnes nommément désignées.

Ainsi, on dit d’un acte administratif unilatéral qu’il fait grief lorsqu’il modifie l’ordre juridique existant, notamment lorsqu’il confère des prérogatives aux particuliers ou met des obligations à leur charge. Ce qui a pour conséquence principale que seules ces décisions « faisant grief » peuvent être déférées à la censure du juge de l’excès de pouvoir aux fins d’en obtenir l’annulation.

La circulaire citée plus haut précise les éléments constitutifs d’un relevé de notes au Gabon. Nonobstant les informations se rapportant à l’identité du candidat et de sa série, le relevé des notes comporte l’ensemble des matières dans lesquelles le candidat a composé ou est supposé avoir composé.

Il faut préciser ici, que le relevé de note à plusieurs finalités dont les plus importantes sont les suivantes :

  • Permettre à son détenteur de solliciter une inscription dans une école ou dans une université nationale ou étrangère ;
  • Justifier l’ensemble des disciplines de la série du candidat ;
  • Justifier la crédibilité dudit relevé dont l’appréciation est liée aux notes obtenues par le candidat ;
  • Justifier la crédibilité du système éducatif gabonais.

Or, il est constaté et constatable que le relevé de notes délivré à ces candidats ne contient que quelques matières, qui d’ailleurs, le vide de sa substance règlementaire et même pédagogique ; faisant ainsi du baccalauréat 2014 un « demi-bac »

Cela dit, « les recalés », remettent fortement en cause la légalité des relevés de notes du baccalauréat de la session de juillet 2014 en ce sens que le calcul des moyennes ne respecte pas les conditions posées par l’article 29 du décret n°450/PR/MENESTFPRSCJS du 19 avril 2013 fixant les modalités de préparation, d’organisation et de délivrance du Baccalauréat.

Il est clair que si les relevés de notes sont contraires aux dispositions des textes susvisés, leur illégalité ne souffre d’aucune contestation. En conséquence, les réclamations des candidats sont toutes fondées.

Au total, si en considération des textes précités, les réclamations des candidats et la contestation des relevés de notes sont juridiquement fondées, il appartient donc à l’autorité administrative de les réhabiliter dans leurs droits.

Mais qu’adviendrait-il si d’aventure cette autorité ne reconnaissait pas les droites des candidats recalés.

En réponse, il conviendrait d’explorer les voies de recours prévues à cet effet.

  • SUR L’OPPORTUNITE DE VOIES DE RECOURS

Si par extraordinaire l’autorité administrative venait à méconnaitre les droits des candidats recalés, quelque voies de recours leurs sont offertes, il s’agit des voies de recours légales et des voies de recours politiques.

  • SUR LES VOIES DE RECOURS LEGALES.

Le relevé de notes en sa qualité d’acte administratif unilatéral « faisant grief » doit faire l’objet d’un recours administratif préalable et obligatoire (Art. 42 de la loi n°17/84 du 24 décembre 1984 portant Code des juridictions administratives).

Dans notre cas, les candidats recalés doivent saisir par requête le Directeur Général des Examens et Concours aux fins de solliciter la prise en compte de leurs notes de la première partie du baccalauréat passée en classe de Première.

L’échec de ce recours, peut amener les candidats à saisir le Juge administratif pour excès de pouvoir de la part du Directeur Général des Examens et Concours, c’est-à-dire Monsieur EYENE BEKALE en arguant que le calcul des moyennes s’est fait en méconnaissance de l’article  29 du décret sus-indiqué qui dispose que : « la deuxième partie du baccalauréat est constituée d’un examen qui porte sur les disciplines fondamentales de la série et des notes de la classe de terminale». Autrement dit, dans le calcul de la moyenne du baccalauréat deuxième partie, le jury aurait dû prendre en compte les notes obtenues au baccalauréat  d’une part et les notes de la classe de Terminale d’autre part. Car, il apparait à aucun endroit sur les relevés de notes, la prise en compte des notes de la classe de Terminale dans le calcul de la moyenne du baccalauréat session de juillet 2014, alors que l’article 31 dispose que : « pour la deuxième partie, la moyenne des notes de la classe de terminale compte pour un tiers et la moyenne de l’examen compte pour deux tiers ».

Il est possible que les candidats recalés se posent la question de l’opportunité de ces recours vu l’urgence de leurs réclamations.

Il convient de retenir d’une part, que lesdits recours permettent aux candidats recalés de faire la morale à l’autorité administrative en lui montrant qu’ils sont respectueux des procédures prescrites par la loi surtout que leurs droits sont juridiquement fondés, d’autre part, pour permettre au juge administratif de dire aux détenteurs du pouvoir règlementaire que leurs décisions doivent être conformes à la loi, cette loi dont le respect doit être garanti par le Juge administratif.

Mieux, ce recours devant le Juge fera en sorte que les futurs candidats ne tombent plus dans les mêmes travers, c’est-à-dire que la décision du Juge, les futurs candidats seront de plus en plus protégés, parce qu’ils recevront en plus de la protection légale, une protection jurisprudentielle.

Mais pour l’heure et vu l’urgence, sans la légalité, les candidats recalés sont aussi en droit d’utiliser d’autres voies de recours. Pourquoi pas des voies de recours politiques ?

  • SUR LES VOIES DE RECOURS POLITIQUES.

Nous devons retenir avec fermeté que la circulaire visée plus haut avait un caractère éminemment politique dans la mesure où elle vient rendre la décision politique du 04 décembre 2013 du Chef de l’Etat.

Cette décision qui a été prise pour apaiser «  la crise à l’éducation nationale » sous le règne de MOUNDOUNGA Séraphin n’a rien de juridique. Parce que la décision d’une autorité administrative, dans un Etat de droit fusse-t-elle du Chef de l’Etat ne peut pas sursoir l’application d’une loi au sens parlementaire du terme. Au risque de donner des maux de têtes aux étudiants de Première année de droit à qui l’on apprend que les règlements sont inférieurs à la loi à travers la « théorie de Hans Kelsen ».

Ces voies de recours politiques peuvent être pacifiques ou parfois violentes parce qu’elles visent la reconnaissance d’un droit constitutionnellement reconnu et protégé mais politiquement bafoué ; le droit à l’éducation.

Par simple respect du principe du parallélisme des formes si l’autorité politique détruit c’est à elle qu’incombe aussi le pouvoir de reconstruire.

En l’espèce, il est rapporté par l’Hebdomadaire l’Aube dans son numéro 39 du Lundi 11 août 2014 en sa page que Léon NZOUBA, Ministre de l’Education Nationale, s’est mis à genoux au court de la rencontre qu’il a eu avec lesdits candidats pour tenter de régler cette question.  

Cet acte, qui a une valeur politique pourrait être interprété comme un geste de reconnaissance de son inconduite vis-à-vis des candidats recalés.

Il devrait donc aller au bout de sa logique en décidant le recalcul des notes querellées pour que la crédibilité de cet examen soit finalement admise par tous.

Libreville le 13 août 2014

Harold LECKAT, SARAH OGNYANE

 

Ecrit par :
Harold Leckat

Juriste, fondateur de Que Dit La Loi

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