samedi , 20 avril 2024
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Non assistance à personne en Danger : Entre exigence et défiance

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L’obligation d’agir au bénéfice d’autrui lorsque ce dernier est exposé à un danger imminent est un préalable qui régit les rapports moraux, lesquels placent la protection de la personne humaine au centre de ses prérogatives. Le législateur via ce délit sanctionne explicitement tout comportement passif incriminé en considération d’une évolution vers une certaine socialisation des rapports humains qui ne conçoit et ne tolère aucune indifférence sur le sort d’autrui.

L’adage  » Qui peut et n’empêche, pêche » est révélateur de la nécessité de ce que l’obligation est faite à toute personne, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit juridiquement liée ou tenue à l’égard de la personne en danger. Ainsi, la non-assistance à personne en péril créée à la charge d’un individu, quel qu’il soit, une obligation de faire : celle d’intervenir impérativement aux fins de porter secours à toute personne potentiellement en danger.

Un individu présente une atteinte certaine et palpable à son intégrité physique ou morale. Vous vous êtes peut très déjà retrouvé dans une situation où, face à un individu à la lisière de la vie et la mort, vous vous interrogiez sur la nécessité d’une intervention ou pas. Si le cas précité peut en effet être isolé en ce qu’il s’agisse d’un simple individu, il est des domaines où des professionnels sont astreints à certaines obligations et celle de porter secours en est la clé de voûte. Ce sont entre autres, les professionnels de la santé, les médecins plus particulièrement.

Les carences déontologiques de nos praticiens conduisent souvent certains d’entre eux à priver un patient atteint mortellement des soins primaires nécessaires à son maintien en vie. Des faits relatant le passage d’un individu de la vie à trépas, aux motifs que les médecins ne lui auraient pas administré les premiers soins, ont souvent alimenté l’actualité dans notre pays. Cette attitude visant à ne pas secourir une personne courant un danger imminent quand bien même on est investi des prérogatives à cet effet, constitue le délit appelé  » NON ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER ».

Le texte d’incrimination consacrant le délit susmentionné est défini à l’article 249 du Code Pénal, lequel dispose : « Sera puni d’un emprisonnement de trois mois à 5ans et d’une amende de 24000 à 500000 FCFA, ou de ces deux peines seulement, quiconque :

– pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié de crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire ;

-S’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ni pour le tiers, il ne pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en lui portant un secours ».

A la lecture du texte d’incrimination qui fonde le délit, nous constatons aisément chez le législateur une volonté de punir l’acte d’abstention d’une part, et la conscience abstentionniste d’autre part. Par analogie, la non-assistance à personne en danger ou en péril, suppose la réunion impérative de deux éléments dits constitutifs : L’élément matériel et L’élément moral…

L’élément matériel :

Elle se caractérise par l’abstention. Le législateur n’est pas avare de précision dans sa rédaction. Sera condamné « … quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui, un fait qualifié de crime, contre l’intégrité corporelle,… s’abstient volontairement le faire« . Le fait de ne pas apporter à autrui le secours dû et nécessaire est l’attitude infractionnelle. Le législateur mentionne toutefois que ledit secours ne peut être effectif que si l’action de porter secours ne présente aucun risque de blessure mutilante ou de mort pour celle qui engage l’action. Dit autrement, ne peut être poursuivi sous le chef d’accusation de Non-assistance à personne en péril, celui qui s’abstient volontairement de porter secours, quand, cette assistance présente un danger patent et manifeste pour sa propre personne.

L’élément moral :

Il convient de comprendre ici que le délit est consommé et punissable que si l’abstention est volontaire. Là aussi le législateur est clair. Sans risque pour lui ou pour un tiers, toute personne qui s’abstient volontairement de porter secours commet le délit puni par l’article 249 du Code Pénal. On punit ici le refus catégorique de l’agent d’agir en pleine connaissance de cause de celui qui a pleinement conscience de ce que la loi lui fait obligation d’agir. Cette infraction est voisine de l’infraction dite de mise en péril en ce qu’elles ont en commun la notion de péril.
Dans le délit de non assistance à personne en danger, le prévenu n’est pas actif dans la création du danger. C’est son abstention qui, par conséquent, contribue à aggraver le péril de la victime. A ce moment, c’est un auteur passif dans la réalisation du dommage périssable. Le péril ici est assimilé comme une menace de perdre la vie, la santé ou d’avoir des blessures mutilantes. Dans l’infraction de mise en péril par contre, le prévenu participe activement dans la survenance du péril par ma violation d’une obligation légale de sécurité ou de prudence.

SPÉCIFICITÉ AUTOUR D’UN DÉLIT QUI OSCILLE ENTRE OBLIGATION ET COMPLEXITÉ :

L’obligation en ce qui concerne, le délit de non-assistance à personne en danger, est le mot d’ordre. En ceci que, agir activement dans les conditions permettant la consommation du délit, devient impératif.

Ce caractère impératif est omniprésent dans certaines professions, lesquelles sont nécessairement investies des prérogatives relatives au délit puni par l’article 249 du Code Pénal. C’est le cas des professionnels de santé. En effet, en leur qualité d’hommes devant garantir le bien être physique et moral des individus, poser des actes de nature à sauver des vies se pose comme une évidence. La déontologie liée à la profession en fait le fondement.

En dépit de ces dispositions, supposées régir la fonction des professionnels de santé, certains d’entre eux, volontairement, font le choix de ne pas porter secours à autrui quand bien même celui-ci présente un danger imminent. Par cet acte, ils commettent activement le délit de non-assistance à personne en danger sans se voir pour autant poursuivis ou condamnés. En revanche, il y ait des médecins qui devant une personne présentant un péril certain décident de lui porter secours en dépit des risques qui entourent certaines interventions. Ces derniers par contre, sont fréquemment traduits en justice. Sacrifiant ainsi, la pertinente obligation dite de « moyen » devant primer dans ce genre de cas.

En définitive, la recrudescence de ce type de dénouement, conduit certains médecins à s’abstenir volontairement de toute intervention présentant un danger pour l’individu. Entre obligation et défiance, la complexité de cette intervention, poussent des professionnels de santé à consommer, même inconsciemment, le délit de non-assistance à personne en danger en tout impunité.